Après le sublime chant du cygne de la PS4, le bien nommé Ghost of Tsushima, un autre soft va s’aventurer à son tour sur le terrain du Japon féodal : Trek to Yomi. Un titre indépendant d’action-aventure qui nous a tapé dans l'œil dès le premier trailer pour son esthétique ravageuse. Mais que vaut-il réellement au-delà de la démonstration artistique ? On a affûté notre plus beau katana pour le découvrir.
Trek to Yomi s’ouvre sur un flashback dans lequel le jeune Hiroki, le personnage que l’on incarne, s’entraîne avec son sensei pour devenir plus tard un samouraï émérite. Mais voilà, cette leçon visant à nous apprendre les rudiments et la philosophie si particulière du combat au katana prend rapidement une tournure tragique, lorsque des bandits assiègent le village et que leur chef, Kagerô, retire la vie à notre shidoshi. Avant de périr, ce dernier nous fait promettre une chose : protéger les habitants et sa fille Aiko de potentielles futures menaces. Plusieurs années après cette attaque violente, l’histoire se répète, ce qui nous permettra d’honorer notre parole et d’assouvir notre vengeance au nom de notre maître. On le devine assez vite, le scénario de Trek to Yomi ne déviera jamais de son objectif de nous narrer une histoire de vendetta, dans la plus pure tradition des films de samouraïs, et c’est tant mieux car il va à l’essentiel. Peut-être trop même. On a jamais vraiment le temps de s’attacher réellement aux personnages et les animations sommaires, production indépendante oblige, n’aident pas.
Néanmoins, le jeu s’articule également autour d’un deuxième élément fort intéressant : le shintoïsme. Il s'agit d'une religion fondée sur le respect des Kami, les divinités, à l’image de la déesse du soleil Amaterasu. Un nom évocateur si vous avez joué (ou au moins entendu parler) d’Okami. Malheureusement, on regrette que ce sujet soit principalement abordé au détour d’objets à collecter dans les environnements, même si encore une fois, la contrainte budgétaire a peut-être limité les possibilités à ce niveau. En tout cas, Leonard Menchiari, le directeur de Trek to Yomi, met du cœur à l’ouvrage pour apporter un minimum de lore et dépasser le classicisme de la trame.
Un film d’Akira Kurosawa jouable
Comme dit en préambule, le titre de Leonard Menchiari et Flying Wild Hog (Shadow Warrior 3) a immédiatement flatté notre rétine. Et nos premières bonnes impressions ont perduré tout du long. Contrairement à Ghost of Tsushima qui proposait un “filtre Kurosawa” en option, Trek to Yomi, lui, l’impose. Il adopte cette esthétique ultra léchée en noir & blanc et la revendique à chaque instant, afin de rendre un vibrant hommage aux films japonais des années 50/60 comme ceux d’Akira Kurosawa justement. En résulte alors des visuels tout bonnement éblouissants pour un soft de cette envergure. Le grain de l’image, les défauts de pellicule, tout y est minutieusement retranscrit pour nous faire vivre un voyage authentique en plein Japon féodal. Et c’est sans compter sur la mise en scène impeccable où chaque plan est étudié scrupuleusement. Nous sommes face à un jeu en 2.5D qui utilise des caméras fixes. Un choix artistique ingénieux qui permet à Leonard Menchiari de nous montrer ce qu’il a envie. Que ce soit un gros plan sur un sabre avant un affrontement, un jeu d’ombres derrière des panneaux japonais, ou la vue de corps suspendus à l’entrée d’un village en feu avec la lueur de lune en fond, le développeur saisit chaque occasion qu’il peut pour délivrer des scènes ultra stylisées. Impossible de ne pas être séduit par la proposition qui est indubitablement une belle claque. Les environnements sont variés (champs, grottes, cimetières, habitations…) et très réussis.
Réalisateur de courts-métrages de métier, Leonard Menchiari a aussi tenu à ce que l’ambiance sonore soit à la hauteur des visuels. Et lui et ses équipes n’ont pas fait les choses à moitié en s’offrant les services de doubleurs japonais qui ont prêté leurs voix à des œuvres comme Street Fighter 5, Resident Evil Village, Hunter X Hunter… ou encore Metal Gear Solid. Akio Ōtsuka, célèbre seiyū connu pour ses rôles de Solid Snake et Big Boss dans la saga d’Hideo Kojima, est en effet de la partie. Dommage que ses interventions soient si rares dans l’aventure. Du côté des doublages, c’est donc extrêmement convaincant et heureusement, car l’immersion n’aurait clairement pas été la même avec une VF. Les sons au global confèrent également cette authenticité au titre. Les cris de villageois apeurés, le simple bruit des feuilles etc.
Trek to Yomi : Des combats à la peine
Un tableau idyllique ? On pourrait le penser et nous avons voulu y croire, mais force est de constater que les mécaniques de jeu ne suivent pas. Simple mais pas simpliste, le gameplay de Trek to Yomi avait pourtant tout pour plaire. En observant des petits copains comme Ghost of Tsushima ou Sekiro, le titre aurait pu nous procurer une synthèse satisfaisante de ses modèles. Mais finalement, l’exécution des combats est trop bancale avec une imprécision, une sensation de flottement dérangeante, une latence et un manque cruel d’impact lorsque les lames s’entrechoquent. Hiroki a une barre de vie qui limite les dégâts qu’il peut encaisser, et une barre d’endurance qui restreint pour sa part toutes ses actions. Coups faibles ou forts, roulade, parade ou blocage, tous les mouvements influent sur son état de fatigue. Et lorsque la barre d’endurance est épuisée, nous sommes à la merci des ennemis qui nous tuent en quelques attaques seulement.
Du fait de l’étrangeté de la parade par exemple, il ne sera pas rare de se manger des coups gratuitement. C’est d’autant plus vrai que par moments, Leonard Menchiari privilégie beaucoup trop sa direction artistique au détriment des combats. Dans la deuxième partie du jeu, plus fantastique, il n’est pas rare de voir la caméra partir bien trop loin de l’action ce qui, par conséquent, rend les affrontements plus laborieux qu’ils ne devraient l’être et nous empêchent de bien comprendre quand parer un assaut. C'est carrément frustrant quand ça se produit. Mais en difficulté normale, le jeu n’est pas avare en checkpoints, symbolisés par des petits sanctuaires de prière. Ces points d’intérêt permettent de récupérer de la santé et de sauvegarder la progression. Car dans Trek to Yomi, on ne peut recouvrer de la vie que de deux manières : ll faut nécessairement interagir avec un sanctuaire ou effectuer un coup final (ex: en tranchant la tête d’un adversaire). Puisque nous évoluons sur un plan horizontal, notre héros a aussi une touche spéciale pour se retourner. Là encore, ça pourra poser quelques soucis.
Hiroki Sakai
Outre les compétences défensives (parade, volte-face…), nous avons des capacités offensives qui englobent tous les combos (généralement une combinaison avec une direction et trois quatre boutons, avec par exemple : avant + carré, carré, carré), chacun étant plus ou moins efficaces suivant l’ennemi. Ceux qui aiment le contact sont par exemple sensibles aux attaques percées. Mais ce n’est pas toujours évident d'identifier la bonne combinaison qui fera mouche à chaque fois. En résumé, si vous vous attendez à des rixes gratifiantes à l’instar de Ghost of Tsushima ou Sekiro: Shadows Die Twice, Trek to Yomi n’est pas fait pour vous. Hiroki a également d’autres aptitudes comme des armes à distance (arc, fusil ou shurikens) pour faire le ménage et éviter de se laisser déborder. Tous ces outils se débloquent de façon naturelle en progressant dans l’histoire et en explorant les décors. Un mot aussi sur les boss qui ne sont pas terribles. En normal, ils peuvent tomber facilement, et surtout, l’absence de vrais patterns et de phases rendent le tout plutôt ennuyeux. C’est d'ailleurs le problème principal du jeu. À cause de ses faiblesses de gameplay, Trek to Yomi pourra lasser si vous êtes totalement hermétiques à la proposition artistique. Certains sauront passer outre, mais il faut comprendre que ce ne sera pas le cas de tout le monde. En bref, nous sommes plus en face d’une chrysalide que d’un papillon.